vendredi 19 septembre 2014

Arlington Park




Cette rentrée 2014 s'organise, pour moi, autour de plusieurs constats fortement domestiques:

1. Avoir un enfant à l'école = être dans l'obligation d'être à l'heure TOUS LES JOURS.


Déjà enfant, devoir se lever pour aller à l'école c'est juste l'horreur. Surtout l'hiver. Mais là, en tant que parent, c'est encore pire. Parce qu'on est en devoir, avec une rigueur et une régularité toute militaires, d'amener son enfant à l'heure sous peine de passer pour un mauvais parent et de jeter l'opprobre sur notre progéniture et sa descendance sur quatre générations. Impossible donc de passer outre ce satané "8h30" d'autant qu'on ne peut pas appeler ou envoyer un texto du style "J'arrive dans 5 minutes" (oui ce fameux texto que l'on envoie alors même qu'on sait pertinemment qu'il nous reste au moins 20 minutes de trajet). Pour les retardataires pathologiques comme moi, c'est un constat d'autant plus effrayant que cette situation va désormais se reproduire tous les matins durant un nombre d'années conséquent. 

2. Avoir deux enfants = être la cible publicitaire la plus déprimante qui soit. 


Quand on est en congé maternité, on redécouvre la joie des programmes télés à des heures improbables. On comprend d'un coup pourquoi l'émission Les Maternelles existe, à savoir:
- combler le temps entre le dépôt du premier à l'école et l'ouverture de la pharmacie pour acheter du sérum physiologique pour le deuxième
- donner à la jeune mère de famille la satisfaction de voir ce à quoi elle a échappé avec ces sujets tels que "Après mon accouchement, je me suis dédoublée" "J'attends des quintuplés".... Une thérapie  express contre le baby blues.
Bon oui, à cette heure ci, on peut faire autre chose qu'allumer la télé mais a-t-on vraiment la disposition d'esprit pour Guerre et Paix à 9h du matin? (D'ailleurs, je tiens à signaler que dans le métro, à la même heure, on croise plus souvent Guillaume Musso que Dostoïevski). Bref, à cette heure-ci, devant sa télévision, on prend bien conscience de son statut très enviable de jeune mère de famille vu que les marques et leur achat média très bien mené, nous le rappellent gentiment. Tu es une femme dans ta trentaine et tu as des enfants? Tu dois t'intéresser  au lait maternisé (ne culpabilise pas, toi aussi, tu lui donnes le meilleur), aux couches (regarde comme il sera heureux tout sec), l'homéopathie (des plantes, c'est naturel, c'est moins grave), les éditions jeunesse (oh regarde tu vas pouvoir l'occuper... et en faire un génie), les crêpes Whaou (n'oublie pas de le nourrir) et les pantalons increvables (toi aussi tu peux avoir un enfant de magazine, celui qui n' a pas l'air d'avoir fait la guerre quand tu le récupères à 16h30). Et puis, au détour de certaines publicités, on découvre les égéries improbables: Shakira pour Oral B. Hélène Seguarra pour des lentilles ("comme ça je vois mieux mon public")... Il y a aussi l'égérie un peu connue mais en fait non: le type qui joue le plombier dans Desperate Housewives pour le parfum Daniel Hechter (dans ce cas précis on peut parler de double peine: égérie anonyme pour marque tombée en désuétude). Bizarrement, ce n'est pas entre 9h et 11h30 que l'on tombe sur la pub pour le parfum Dior Homme avec son Robert Pattinson tout en oeillades de rebellou ou pour l'Iphone 5 ou encore sur les trentenaires cool et available d'Attractive World. D'une part, parce que, très basiquement, dans l'esprit de l'acheteur média, l'homme n'est pas concerné par ce créneau horaire (oh hein il travaille lui, il anime plein de réunions hyper importantes et son problème c'est de bien se raser en prenant un jet comme dans la pub Gillette). D'autre part, parce qu'on ne projette pas une grande envie de rébellion chez la mère de famille (à la rigueur elle peut rêver  d'acheter des fringues en ligne sur les 3 Suisses - notre gym créative matinale à nous, les femmes - faudrait pas trop qu'elle s'éloigne du domicile familial). 


3. Etre une femme = savoir casser les codes tout en étant un bon petit mouton.



Dans le domaine des parfums, ces temps-ci ce qui est important, en publicité c'est de tout envoyer balader, de s'affirmer. Message totalement paradoxal vu la standardisation et la logique de masse régnant sur le domaine de la parfumerie depuis quelques années. On voit ainsi Julia Roberts chez Lancôme briser les fils de cristal de ce monde de marionnettes (j'en appelle à Pierre Bachelet), Alicia Keys faire mollement tomber les "murs" d'or qui l'enferment pour incarner Dahlia Divin de Givenchy. Charlize Theron, comme d'habitude, se désappe pour Dior sur fond de London Grammar en grimpant littéralement à un rideau (grosse influence du Cirque du soleil ou des concerts de Pink, au choix). Chez Chloé, c'est Clémence Poésy qui incarne cette fille "différente", machine à fantasmes. Elle passe du coq à l'âne, fait du rock, embrasse goulument, puis se balade en robe de soirée sur les quais avec un sourire mutin ... mais frondeur (on comprendra que la fille Chloé ne prend pas des masses la ligne 13). Bref, tout ce petit monde envoie donc valser les conventions avec beaucoup de conviction et dit non à tout pour affirmer sa singularité. Evitons tout cynisme mais c'est quand même au final pour promouvoir des parfums qui sont bien peu singuliers. L'objectif de ces campagnes, rappelons-le, étant de pousser tout le monde à porter le même parfum le temps d'une saison... Si on y regarde bien, il n'y a que Cate Blanchett pour dire "Si" à tout dans la campagne de Giorgio Armani. Mais là on est dans le oui pour vivre la vie en grand (séduction, amour, émotion...) donc ça compte pas trop puisque c'est une forme de rébellion en soi (vivre pleinement, c'est refuser de vivre "petit" donc en gros renoncer à penser à ses impôts pour crier dans le vide en tenue glamour).


4. Se faire livrer les courses = vivre des moments très Curb your enthusiasm à un rythme quasi hebdomadaire.



En vrac : Dois-je donner un pourboire? Je vis au 3eme sans ascenseur, dois-je culpabiliser auprès du livreur  quand je le vois monter à l'article de la mort (mais en même temps je l'ai bien validé ce panier en ligne...)? La livraison est censée se faire dans les 2 heures, si je sors deux minutes acheter le pain, est-ce que ce n'est pas juste le moment où le livreur va se pointer? Des grands moments de solitude, vous l'aurez compris.


5. Etre temporairement une femme au foyer = croiser des adolescents, des vrais. `


Oui parce qu'ils sortent du lycée à 16h30 aussi... Alors bon je remarque des tendances, comment dire... intéressantes chez l'adolescent. Notamment, le port du t-shirt à message. On pourrait s'attendre à un finement envoyé "La guerre c'est mal" mais non, ces temps ci la tendance est au message auto-dévalorisant et fier de l'être. J'ai ainsi pu croiser le "French bastard" et "Modasse - Connasse". Je n'ai rien à ajouter sur ce point si ce n'est qu'en mon temps il y avait bien eu le fameux Don't touch (avec empreintes de mains sur la poitrine) qui était à peu près du même acabit. On assiste aussi à un gros retour de la No-name, genre de superga compensées qu'on pensait tombée dans les oubliettes de la mode pour de saintes raisons. Mais non, elle revient et elle est aussi laide qu'avant. Chose inaltérable en revanche, la tendance au mimétisme reste le grand classique de l'adolescent et c'est toujours aussi chouette à observer.  Par contre, clairement avec une poussette ou un bébé en écharpe, on se prend directement notre grand âge dans les dents quand on passe à côté d'une bande de clearasil.


Ou sinon le titre de ce post fait référence au livre totalement déprimant mais néanmoins bien de Rachel Cusk, Arlington Park.

Bon et puis parce que ce clip est une référence savoureuse à un des films de mon adolescence et que la chanson est bien, voici Iggy Azalea et son très bon fancy:



Allez Cheers!