vendredi 23 mai 2014

Le normcore, vrai ou faux retour des années 90?




Il paraîtrait que les années 90 reviennent en force. L'esthétique Normcore tout ça, tout ça. Bon c'est vrai que, ces temps-ci, si on entre dans un H&M, l'apparition d'un sac banane parmi toutes ces propositions à base de nylon, de mom jeans et de cropped-tops ne serait finalement pas si surprenante. Mais bon... je trouve que c'est plutôt amusant de voir la manière dont le marketing et le massmarket n'ont bien voulu retenir (sciemment ou non) qu'un certain aspect des nineties, le versant le plus coloré et le plus décomplexé, alors même que cette période est surtout, pour moi, liée à une esthétique très particulière, pas pop pour un sou.

Dans mon souvenir, si les années 90 doivent être placées sous le signe d'une couleur, ce serait le gris. Pas un gris perle, doucereux, non, un gris béton, acier.  Pourquoi? Parce que c'est une période où cette couleur et le sentiment qui l'accompagne ont connu leur apogée.  

Une époque qui parce qu'elle succédait à une ère d'hédonisme important (les années 80 et l'avènement de l'argent, du consumérisme mais aussi d'une certaine vision du fun) se devait d'être en apparence plus simple mais aussi plus grave. Le capitalisme s'était certes imposé mais le sida, l'émergence des problématiques environnementales et la crise étaient passées par là. 

L'omniprésence de l'argent y est devenu paradoxale: son culte reste bien présent mais son accession ne se vivra désormais plus de la même manière; sortant d'une dynamique outrancière, il devra désormais faire voeu de discrétion, de simplicité voire de chasteté et surtout regarder vers le futur. Les champs de spéculation du coup se déplacent; investir dans le cérébral (quitte à finalement l'appauvrir), le politique, le "beau"... Et c'est ainsi que le domaine de l'art contemporain devient le nouveau terrain d'expression de la richesse. 

Dans la mode, la décennie 90 se traduit pas une esthétique minimaliste et par la montée en puissance des designers new yorkais (New York, capitale financière du monde) et japonais, la suprématie de l'épure et l'émergence des corps androgynes, des tissus hybrides et des matières techniques. Le vêtement n'est pas là pour mettre en spectacle le corps, faire qu'il se démarque mais pour l'accompagner (d'où l'appropriation progressive des matières techniques issus du monde sportif), se fondre dans la masse puisque riche ou pauvre, tout le monde se doit de faire profil bas.


Cela donne Eres qui découpe ses maillots au laser, le lancement d'un parfum unisexe mythique (CK One) et son flacon volontairement sans prestige,  les créations de Donna Karan, les pubs de Miu Miu ou de Jil Sander où l'essence de l'élégance se trouve dans une paire de mocassins, une chemise blanche ou un col roulé noir. Les icônes de cette époque sont à chercher du côté de Gwyneth Paltrow, de John John Kennedy et Carolyn Besset, Kate Moss, raie sur le côté, queue de cheval basse et blond bébé à la clé. Les packagings de Muji ou de Shu Umera sont portés aux nues. Transparence et monochromie sont les maîtres mots. 

Côté maquillage, c'est le règne du nude, on veut des paupières doucement irisées, un teint pâle, des sourcils nets. Seule la bouche reste un terrain de jeu (grande époque du gloss). L'essentiel c'est d'être le plus clean possible, le moins artificiel mais pas pour autant le plus sain. On est en effet très loin des préoccupations écolo et de la fit attitude, la chimie est reine (il n'y a qu'à voir combien le fait de voir affiché toute la composition des produits Kiehl's ne fait alors peur à personne), le corps sous contrôle également. La mode européenne est envisagée comme un enfant terrible car justement elle essaye de préserver une dose d'érotisme; mais pour pouvoir être pertinent dans cette époque maussade, cet érotisme ne doit pas se fonder sur un rapport ludique au corps, il doit être conquérant, signifier le pouvoir et structurer le corps (Alaïa, Versace, Gaultier).


Bref, quand je regarde le soit-disant revival qui hante nos magazines, je ne retrouve pas forcement ces influences là mais plutôt la traduction adolescente des années 90 (la série Beverly Hills, le film Clueless, l'esthétique MTV...).  Alors oui bien sur, les jeans taille haute, un poil trop délavés, les gilets de serveur en velours ras, les chaussures à bout carrés et à semelles trop épaisses ont eu la part belle dans ces années là, bien sûr qu'on ne peut voir cette période qu'à travers le prisme de la crise. 

Mais réduire les années 90 à cette proposition colorée et soit-disant décomplexée, c'est vite oublier que sous couvert de recherche d'une certaine normalité, les années 90 correspondent avant tout à l'entrée du monde dans la dépression moderne. Dans les pubs, sur les podiums, on ne sourit plus.

Bon heureusement, dans les années 90, il y aussi eu beaucoup de bonne musique. Donc on profite de la pompe ambiante 2014 pour écouter The Courtneys. Allez cheers!


lundi 12 mai 2014

La sonate pathétique



Je l'avoue, je suis une bille au piano. J'ai appris laborieusement cet instrument quand j'avais 8-9 ans et on peut dire qu'on était loin du petit génie.

D'une part, l'ajout d'un énième apprentissage en cette période douloureuse de leçons de Bled, de poésies à réciter et de tables de multiplication à savoir par cœur, relevait pour moi de la torture pure; d'autre part, à cette époque, évoluant dans un imaginaire intérieur où le comble de l'esthétisme s'incarnait dans un Petit Poney turquoise à cheveux rose argentés et dans les synthés de la B.O du Grand Bleu (Eric Serra et ses longues plages synthétiques avec cris de dauphins, c'était quand même quelque chose), la perspective de devoir s'astreindre à jouer des vieux morceaux de vieilles personnes sur un vieil instrument soulevait en moi des râles de flemme aigus.

Sympa comme perspective, non?
Pourtant, pendant un moment très furtif, avoir un piano blanc so eigthies à la maison m'était apparue comme une bonne idée: je pensais que j'allais pouvoir rapidement me la donner façon Elton John ( "Il jouait du piano debout..."). Mais non non, la méthode rose et le déliateur n'ont pas réussi à faire de moi quelqu'un qui réussit à enchaîner les gammes avec souplesse et furie.

Bref, apprendre le piano ne fut pas pour moi un grand moment d'épanouissement artistique et aussitôt que je fus libérée (sans trop de mal, vu mon niveau) de cette activité totalement ingrate à mes yeux, mon enfance et mon adolescence furent emplies de joie et de perspectives de libertés sans fin.



Malheureusement, on se retrouve toujours rattrapée par sa flemme... La musique a toujours eu une part importante dans ma vie, et mon incapacité à pianoter quoi que ce soit alors même qu'un jour, "j'ai su" (même juste un peu), me paraît désormais complètement absurde. J'ai une révérence sans fin pour les musiciens et je ne sais pas pourquoi mais je suis d'autant plus fascinée par les pianistes. Le son d'un piano peut être tellement élégant. Alors oui aujourd'hui, je veux savoir jouer du piano comme ça:




Du coup, à 33 ans, le piano droit blanc est revenu à la maison (modernisé quand même) mais je ne sais pas pourquoi je procrastine. Je me dis qu'il faut que je m'y mette mais je le regarde avec timidité. Je me trouve des excuses (il faut que je reprenne des leçons) mais au fond je sais bien que cela me renvoie au fait que je n'aime pas être laborieuse et que là si j'arrive à déchiffrer trois lignes de partitions, je suis déjà exténuée (mais pourquoi la clé de Fa, pourquoiiiiiii?). Par ailleurs ma capacité à faire bouger ma main gauche indépendamment de ma main droite est très limitée. Bon du coup je le regarde certes, mais il va falloir que j'arrive à en faire quelque chose. En attendant, je mets Radio Classique et je bave en écoutant Martha Argerich.



Allez cheers!