lundi 24 mars 2014

Girls just wanna have fun?

 


Parfois c'est un peu épuisant d'être une fille, d'évoluer dans un univers de filles, d'avoir des amies filles. Mais c'est un épuisement heureux car au final, même si j'aime beaucoup la compagnie des garçons, je trouve les filles souvent plus complexes, plus attachantes et de fait plus intéressantes. 

Loin de moi l'idée de théoriser sur l'influence du biologique sur le psychologique tant je suis convaincue que nous sommes avant tout le produit d'une société, d'une culture. Comme le dit si bien Simone de Beauvoir "on ne naît pas femme, on le devient" (la lecture du Deuxième sexe devrait être rendue obligatoire, ça rendrait les débats actuels un peu moins idiots).

Aujourd'hui, il y a beaucoup de femmes qui travaillent sur la représentation du féminin et mènent des petites révolutions qui se révèlent à la fois douces et tranchantes. Joyce Caroll Oates bien sûr, qui n'a jamais aussi bien parlé de la pression sournoise exercée sur les femmes que dans Blonde, Annette Messager à travers ses œuvres obsédantes et angoissantes, Annie Ernaux et j'en passe mais il y a également des figures plus directement accessibles telles que Lena Dunham dans Girls ou Nine Antico avec le formidable Girls don't cry. Des femmes qui manipulent la question du féminin avec une contemporanéité et une immédiateté rafraichissantes.



Girls, ce n'est pas vraiment nouveau; voici trois saisons que cette série nous emmène voir évoluer Hannah et sa petite bande dans les dédales de la post-adolescence. On a beaucoup glosé sur cette série, tout le monde s'arrache désormais Lena Dunham parce qu'elle est fun, ne se prend pas au sérieux et tente à sa manière d'imposer sa patte dans un monde qui réserve souvent les ascensions spectaculaires aux hommes. On lui demande son avis sur à peu près tout et rien mais j'ai l'impression que parfois, on passe à côté de ce qui fait de sa série, une grande série, qu'on reste en surface, parce que oui elle y montre beaucoup son corps et que dès un corps est exposé, il devient le seul sujet.

Alors c'est certain, on sent un certain penchant pour l'exhibitionnisme, mais dans Girls, ce que l'on voit, ce sont surtout des femmes en devenir, des figures qui cherchent leur place, se heurtent à la vision que l'on projette d'elles, et à ce qu'elles pensent être en devoir renvoyer ou pas.

 


Et puis, Girls ne fait pas dans la politesse, on n'y bâtit pas une vision de la femme sympathique ou rassurante. Cette série montre la part de monstre narcissique qui réside en chacun de nous et donc en chaque femme aussi;  la "bande de copines" ne fonctionne pas de manière classique, elle peut être le lieu de mesquineries sans nom mais qui ne s'apparentent pas aux guerres ouvertes telles que nous les montrent les "films de filles" habituels (les belles contre les moches, les belles contre les intelligentes, ....), ce sont plutôt des guerres d'individualités, de personnages qui évoluent et ne se répondent plus là où avant, le rapport fraternel prédominait.

Girls montre que, dans une série féminine, le corps peut être à la fois visuellement omniprésent et quasi absent de la dynamique du récit. La sexualité y est la même que dans des œuvres plus masculines; ni érotisée, ni glauque, elle peut être ratée, sublime, maladroite, sujette à questionnements sans pour autant verser dans les recettes des quizzs de Glamour, Elle et consorts.

Extrait de Girls don't cry - Nine Antico
Aujourd'hui dans mon travail, le nom de Nine Antico a circulé. D'un coup, je me suis rappelée combien j'avais aimé ses albums et notamment Girls don't cry. En lisant cet article, le rapprochement entre cet album et la série Girls m'est apparu évident. Pour paraphraser Jean-Claude Loiseau, l'auteur de l'article en question, oui, en tant que femme artiste, lorsque l'on traite de la question du féminin, on peut être complice mais pas complaisante. On peut vouloir respecter ses personnages, ne pas verser dans le stéréotype ou justement le faire dévier, lui donner une autre perspective. Comme dans Girls, on peut avoir l'ambition de donner à ses personnages féminins une chance d'être elles-mêmes, c'est-à-dire le plus souvent, dépourvues de flamboyance, d'intelligence, de sexyness ou d'altruisme comme nous le sommes toutes et tous, en tant qu'être humains et non en tant que représentants de notre sexe. 

Nine Antico et Lena Dunham parlent certes de filles et je pense que beaucoup de garçons peuvent ne pas se sentir intéressés par les histoires qu'elles déroulent, mais elles ne sombrent pas, pour autant, dans la facilité, fondent leur récit sur l'intériorité de leurs personnages, sur ce qui les constitue en tant qu'individus. Le caractère féminin ne vient finalement qu'ajouter une dimension tragique supplémentaire à la dynamique générale, creusant un peu plus les plaies parce qu'il est courant que les filles soient plus dures envers elles-mêmes que les autres.

Comme je ne sais pas finir mes réflexions et encore moins mes billets, je mets un lien de pure Riot Girl (non je ne vis pas dans les années 90, la machine à remonter le temps fonctionne juste très bien sur moi).



Des bisous!

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