mardi 11 mars 2014

Black and White blues

La Simiane - Henri Cartier-Bresson

Je suis allée voir deux très belles expositions de photos dernièrement: la rétrospective Cartier-Bresson qui vient de démarrer au Centre Pompidou et Robert Adams au Jeu de Paume. Pas de lien évident entre les deux photographes; leurs travaux ne visent ni les mêmes objectifs ni n'empruntent les mêmes voies. Là où Cartier-Bresson aime les foules, travaille la composition comme un peintre, Adams vise le dépouillement et n'aime rien tant qu'observer la nature et nous donner à voir - avec amertume- la manière dont l'homme la détruit à petit feu.

Un terrain toutefois sur lequel ils se rejoignent: l'utilisation formidable du noir et blanc. Des blancs écrasants de lumière chez Adams. Des noirs tout en reliefs chez Cartier-Bresson.
Robert Adams
On associe souvent le noir et blanc à un certain classicisme. Les photographes contemporains le délaissent aujourd'hui facilement pour une approche plus frontale de la photo; je suis la première fan de ce type de révolution notamment chez William Eggleston ou chez Martin Parr; la couleur se veut franche, sale, donnant à s'extraire d'une vision angélique du monde. 

L'utilisation du noir et blanc en photo est parfois sujet à suspicion: il serait une façon habile de déguiser un travail somme toute assez anecdotique car il sublime facilement. J'avoue me poser souvent la question quand je regarde une photo que j'ai prise en noir et blanc et dont je suis satisfaite: si elle était en couleur, la trouverai-je aussi intéressante? En fait, je me rends compte petit à petit que cette question est en réalité totalement idiote, en photo comme dans n'importe quel art, c'est l'ensemble qui fait sens. 

Dans la rétrospective Cartier-Bresson, celui-ci explique qu'il  n'aime pas la couleur pour une question technique, elle est un obstacle dans sa vision du geste photographique. Photographier en couleur implique une gestion différente de la lumière, du temps d'exposition... bref c'est une contrainte pour un photographe qui est dans l’instantanéité.Chez Adams, on conçoit bien que le noir et blanc est là pour mettre en contradiction la majesté de la nature, son côté intemporel et solennel face à l'anecdotique que représente la présence humaine. A ma petite échelle, c'est vrai que je réfléchis différemment si je prends une photo en noir et blanc et si je sais que mon appareil contient une pellicule couleur. Je sais que le noir et blanc par ses contrastes va me permettre de jouer sur le côté graphique d'un sujet, de révéler des détails qui en couleur n'auront aucune valeur ajoutée. Le noir et blanc permet au sujet d'exister dans une certaine simplicité en jouant sur les textures, les reliefs, là où utiliser la couleur demandera un travail plus sophistiqué et moins immédiat sur les gammes chromatiques. En couleur, le sujet a besoin d'avoir par nature beaucoup de force pour exister alors qu'en noir et blanc, le photographe en fait justement ressortir la force. Dans cette optique les portraits de Richard Avedon sont pour moi une référence.


 

Voilà, en tout cas, courez vite voir ces deux très belles expositions! et pour finir sur une note toute en légèreté, Ebony and Ivory, un pur moment cheesy :

Allez cheers!

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